L'annonce de la probable mort d'une entreprise, surtout quand on y a travaillé, n'est jamais une nouvelle agréable.
Au delà des fautes de gestion des dirigeants de la Camif, le dépôt de bilan annoncé cette semaine n'est que le point d'orgue d'une histoire qui devrait interpeller l'ensemble de l'économie sociale.
En effet les difficulté de la Camif sont loin d'être nouvelle, son premier exercice déficitaire date de 1988. depuis les années 1980 son résultat d'exploitation est déficitaire. Elle ne vivait que sur des frais financiers positifs (l'écart entre le paiement comptant des clients et le paiement à 60 ou 90 jours des fournisseur).
Arrivé au bout du bout de son modèle à la fin des année 1970, elle a cherchée désespérément sa voie dans le monde économique moderne. En effet le rôle social de la Camif était de permettre aux instituteurs d'accéder au monde de la consommation, ce qu'elle a parfaitement réussi. Mais à la fin des années 70, son sociétariat culmine à 1 Million de sociétaires. La Camif a saturé son marché, désormais les instituteurs sont équipés, la Camif passe sur un marché de renouvellement dans un contexte de maturité du commerce "moderne" (Darty, Grand magasin, et autres Ikéa...) mais aussi de rupture social de son sociétariat qui se banalise introduisant une concurrence inconnue jusqu'alors. Le monde des instituteurs explose de fait de l'affaiblissement de l'endogamie sociale : pour faire court avant les instituteurs se mariaient entre eux, désormais les instituteurs sont des institutrice qui sont en couple avec des cadres moyens ou supérieurs. Cette période correspond également à l'éclatement de la FEN.
La première risposte de la Camif à la saturation de son marché (elle pèse 20 % du marché de son sociétariat sur l'équipement), c'est d'élargir sa gamme en devant une mini-redoute avec un fort développement du textile, mais aussi une tentative d'aller le marché de la micro informatique naissante ou des bijoux, ou encore de racheter ..
Deuxième riposte, élargir son sociétariat en suivant le modèle de la FEN maintenue qui devient l'UNSA. Il s'agit de s'étendre à l'ensemble des fonctionnaires.
Troisème risposte , adopter les méthodes commerciales des Vpcistes classiques (promotion, crédit permanent). Cette phase se fait très visiblement contre l'avis de la direction politique de la coopérative. Mais rencontre le consensus des cadres et probablement des employés.
Quatrième riposte, développer un mode distribution multicanal (cataloque, magasin, minitel, téléphone, internet)
Cinquième risposte, se développer à l'international.
Elle bouillonera de 1987 à 2007 sur l'ensemble de ces axes. Mais au-delà, le pire est à venir. Ces axes brouillent son image face à un commerce des grandes surfaces classiques hargneux sur les prix et les promotions. La Camif n'a pas su renouveller son modèle, donner une raison d'être à une coopérative (quel commerce différents), se définir un sociétariat renouvellé (du coup elle a fait le choix de l'ouverture à tous) perdant son avantage concurrentiel de réseau de distribution sélectif.
Pourquoi ses axes de riposte ont échoué ?
L'ouverture de la gamme nous rappelle que la vente est un métier. Savoir vendre de l'équipement par correspondance en est un, vendre du textile en est un autre.
L'extension du sociétariat a eu des effets négatifs en terme de prévision de vente : sur sa base historique, les prévision de vente étaient quasi parfaite. Il y avait très peu d'invendu. On ne pas en dire autant sur les nouveaux sociétaires. Elle a sappé la profitabilité. Par ailleurs les nouveaux champs n'avait pas les même habitudes de consommation, ni l'attirance vers le modèle Camif.
L'adoption du modèle classique classique de la consommation a eu un effet très déstructurant pour des consommateurs qui n'y étaient pas habitué. Soit il se sont adaptés en décallant leurs achat vers les soldes et promotions, soit ils sont passé à la concurrence. Elle a par ailleur distandu les liens entre les sociétaires et la coopérative.
Sur l'international, tous les analystes savent combien il est difficile pour une entreprise de sortir de son champ géographique. La Camif n'a pas fait exception.
Sur le multicanal, ce sont surtout les magasin qui ont été un échec. Mais il fut couteux. Autant celui de Niort marchait bien car il était une sorte de pélerinage laïque. Mais ce modèle ne pouvais exister que si le pélerinage était unique.
Enfin, Internet m'a tué. Non pas parceque la Camif n'y serait pas passé. Au contraire la transition a été aussi rapide que lors de l'apparition du minitel. Mais, face au cybermarchand, la Camif n'a pas tenu la concurrence en matière de prix sur les marchés d'équipement (informatique, mp3 et autre ipod par exemple).
Historique de la CAmif : (source IB + Wikipédia)
1947. Création de la coopérative, par Edmond Proust, fondateur de la MAIF. En cette période d'après-guerre, l'objectif est d'alimenter une Caisse de Solidarité avec les bénéfices, ceci dans le but d'aider les sociétaires qui se trouvent dans une situation difficile pour se rééquiper en raison de la perte de leurs biens pendant la guerre 1939-1945.
1949. Première installation. La CAMIF devient une société anonyme coopérative à capital et personnel variables, réservée aux membres de l'Éducation nationale, sociétaires de la Mutuelle d'Assurance des Instituteurs de France. Son entrepôt a alors une superficie de 500 m2.
1951 : LA Camif quitte les locaux de la Maif.
1963. La CAMIF emménage avenue de Paris, à Niort (ville d'origine de la MAIF), sur une superficie de 2.000 m2 environ. Elle y ouvre son premier magasin.
1967 - 1971 : mutation de la Camif grace à l'apport financier de ses sociétaires.
1971. Inauguration du premier entrepôt entièrement automatisé en Europe, à Trévins de Chauray, près de Niort, où la CAMIF implante ses bureaux et son magasin sur une surface de 13 hectares (actuellement 47 hectares). J'ai daté
la prise de controle de la coopérative par le management de cette date. Le président de la MAif n'est plus président de la Camif.
1973. Ouverture du magasin de Toulouse, qui sera agrandi en 1979 pour une surface d'exposition de 5.000 m2.
1981. Lancement du serveur Minitel. La CAMIF est la première entreprise de VPC à tester avec succès ce nouvel outil de communication avec ses sociétaires.
1983.
Demarrage de la politique d'ouverture du sociétariat : Ouverture aux Collectivités, avec la création du premier catalogue Collectivités.
1985. Ouverture du magasin de Lille-Ronchin.
1987.
Adoption du modèle classique de Consommation : Ouverture du magasin Mobilier de Paris et naissance de C2C, filiale de crédit à la consommation.
1988. Ouverture aux partenaires et
adoption du mode capitaliste de gestion des activités (holding et filiales) : la CAMIF s'ouvre à certaines mutuelles santé en créant deux Unions d'Économie Sociale (UES), MNH Catalogue (Mutuelle des hospitaliers) et MAI Catalogue (Mutuelle des agents des impôts).
Faillite de Fil (filiale informatique) et licenciement de la totalité de son personnel.
Elle lance
le défi coopératif dans la distribution d'aujourd'hui, mais sa volonté hégémonique sur ses partenaire VPCiste coopératif l'oblige à puiser dans ses fond propre pour assurer le développement de ce défi.
1989. Naissance du serveur Télia. L'accord avec les mutuelles s'étend à toute la MFP (Mutualité de la Fonction Publique), regroupant toutes les mutuelles santé de la fonction publique) et une nouvelle UES est lancée : MGPCL Catalogue (collectivités locales).
L'AG annuelle de la Camif n'est plus commune avec la Maif. Le sous-titre : Coopérative d'Achat des sociétaires de la Maif disparait des publications.
1991. Lancement des catalogues COOP VPC PTT (Poste) et MDCM Catalogue (Militaires).
1992. Prise de participation majoritaire dans le capital des sociétés Léon Fargues (alimentation fine) et Delachaux & Niestlé (Éditeur franco-suisse). La CAMIF imprime son premier catalogue en tout numérique.
1993. Développement de la filiale Appartenance : la CAMIF s'ouvre aux adhérents de 41 organismes et mutuelles de secteurs différents de l'économie sociale. Création du Club CAMIF, offrant aux sociétaires de la CAMIF des avantages spécifiques.
1994. Ouverture du magasin de Lyon. Création de Magnet CAMIF, en République tchèque. Rachat de Nicole Bernard (produits du terroir).
1996. Prise de participation dans le Savour Club (vins et spiritueux).
1997. Création de CAMIF Habitat, filiale spécialisée dans les travaux d'aménagement et de rénovation. Création de CAMIF Solidarité, association à but humanitaire et social. En complément du minitel, lancement du site Internet www.camif.fr avec la mise en ligne de plus de 100.000 références produits.
1998. Ouverture du magasin de Marseille.
2000. Ouverture des magasins de Tours et Annecy.
2001. Ouverture du magasin de Rennes. Mise en œuvre de la nouvelle stratégie commerciale autour des 5 M : Multispécialiste, Multicanal, Maison/Loisirs, Moyen/Haut de gamme, Médiateur.
2002.
Fin du modèle de la distribution sélective : Création du Centre de Contact Multimédia pour un traitement optimisé des relations clients. Ouverture du magasin de Niort à tout public. Ouverture du sociétariat aux adhérents CASDEN et MGEN (après 3 ans d'ancienneté). Ouverture du magasin de Plaisir (78).
2003. Des difficultés financières amènent la CAMIF à se recapitaliser, avec l'appui de la MAIF, de la MGEN et de la CASDEN BP. Un partenariat industriel avec 3 SUISSES International est noué. Les magasins de Lille et Toulouse deviennent ouverts à tous. Le Savour Club est revendu. Création de Romactis, société reprenant les activités du Club CAMIF.
2004.
Début du processus de repli sur le coeur de métier : Mise en œuvre du processus juridique et financier de l'accord CAMIF/3 SUISSES International, avec le soutien de la MAIF, de la MGEN et de CASDEN BP. Vente de Magnet CAMIF. Participation de COFIDIS à hauteur de 66% au capital de C2C. Création de CAMIF Particuliers, dédiée aux personnes physiques. Fermeture du magasin de Coquelles dans le centre commercial Cité Europe près de Calais.
2005. Poursuite de la fermeture des magasins non rentables : Rouen.
5 septembre 2007 :
La coopérative ne l'est plus vraiment : Le fonds Osiris Partners (fonds français alimenté par des capitaux américains) devient majoritaire de la société CAMIF Particuliers(mais sans droit de vote pour préserver le fonctionnement coopératif) après un apport de financement de 25 M€.
Mars 2008 :
Poursuite du repli sur le coeur de métier : La CAMIF abandonne la certaines activités comme l'informatique, la vidéo et l'habillement, représentant le quart de son chiffre d'affaires mais la totalité de ses pertes, misant désormais sur la maison, son équipement et son aménagement intérieur et extérieur (mobilier, électroménager, textile de maison, décoration, jardin...).
23 octobre 2008 : Camif Particuliers, qui emploie 780 personnes, se place en cessation de paiement en raison de la crise économique et de problèmes de trésorerie.
En savoir plus :
http://ivanberaud.blogspot.com/2007/08/la-camif.htmlhttp://ivan.beraud.free.fr/memoire/camif.pdfhttps://www.cfdt.fr/content/medias/media12565_xaximcPICrjZXDu.pdfhttp://www.causeur.fr/adieu-la-camif,1191A suivre :Les mutuelles et en particulier la Maif vont-elle trouver leur chemin ? (réponse dans 20 ans)
L'Unsa qui est le strict parallèle syndical de la Camif dans l'extension du champs de la FEN survivra-t-elle à son opération de banalisation ? (réponse le 3 décembre 2008)
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