Portrait

PORTRAIT

Combats d'avant-garde
Article paru dans l'édition du 04.04.01
Ivan Béraud, secrétaire général du Bétor-Pub CFDT, introduit le syndicalisme dans la nouvelle économie

'homme a des convictions. Dans son bureau du 19e arrondissement de Paris où règne un joyeux capharnaüm, Ivan Béraud, trente-sept ans, mèche en bataille, sait faire passer son message. Le secrétaire général du Bétor-Pub CFDT n'est pas né de la première manifestation venue. Comment pourrait-il en être autrement pour celui qui a sorti ce syndicat de l'ombre et en a fait le défenseur le plus dynamique des salariés de la nouvelle économie.
Le Bétor-Pub CFDT, né en 1963, c'est d'abord un nom improbable, fruit de la contraction des secteurs qu'il représente. D'abord les bureaux d'études, auxquels sont venus se joindre, dans les années 1970, les instituts de sondage, les premières sociétés de services informatiques, les agences de publicité... Un syndicat fait de bric et de broc, multicatégoriel, réunissant cadres et employés, bref, comme l'explique Ivan Béraud, un syndicat « qui rassemble dès le départ tous les salariés que l'on ne savait pas trop où mettre ».

C'est aussi une organisation qui a failli mourir pendant « le grand trou noir de la syndicalisation », à la fin des années 1970. Elle a perdu jusqu'à 90 % de ses effectifs et ne comptait plus que 200 adhérents. Aujourd'hui, les années noires sont derrière. Avec quelque 3 000 adhérents en 2000, un chiffre en hausse de 30 % par rapport à 1999, soit, selon Ivan Béraud, « la plus forte progression de son histoire », en font un syndicat de poids au sein de la CFDT. une fibre syndicale familiale

Entré au comité exécutif du Bétor-Pub en 1995, comme « développeur syndical », une fonction qui consiste à aider les salariés à s'organiser dans les entreprises qui n'ont pas de syndicat et à donner un coup de pouce aux sections syndicales existantes, le syndicaliste en est élu secrétaire général dès 1998. « A cette époque, le syndicat connaît une mutation sociologique avec un développement dans le secteur de la publicité et l'émergence du phénomène des start-up et des centres d'appel », explique Ivan Béraud.

Toujours aussi hétérogène, un tiers de ses adhérents viennent de l'informatique, 17 % de la publicité, 15 % des bureaux d'études, 10 % des instituts de sondage et d'études de marché, 10 % des centres d'appel et le reste de secteurs aussi divers que l'expertise comptable, les chambres des métiers ou l'intérim. Le Bétor-Pub peut ainsi se targuer d'être présent dans des sociétés aussi diverses que des sites Internet, des entreprises du secteur des jeux vidéo ou des Web agencies. Une présence qui explique le titre qu'il s'est donné de « syndicat de la nouvelle économie ». Quand on lui demande si ce dernier n'est pas un peu usurpé, Ivan Béraud s'en tire par une pirouette : « Il y a une forte convergence entre Internet, la publicité, les centres d'appel, les sociétés de services informatiques (SSII). Ces dernières ont fortement investi dans la conception, la réalisation, l'exploitation de sites Internet. »

Qu'importe. Le Bétor-Pub est de tous les combats quand il s'agit de monter au créneau pour la défense des travailleurs des start-up. La mobilisation en faveur des salariés du site LaNetro, en cours de liquidation en France, c'est lui. Le débat autour d'une convention collective spécifique aux salariés d'Internet, c'est encore lui.

Ivan Béraud l'a compris : la génération « no engagement » est sur le déclin, et « le mûrissement des salariés » ouvre de formidables opportunités de développement pour son syndicat. « Les faillites, les fusions et les rachats nous ouvrent un boulevard syndical, précise-t-il. De plus en plus de salariés de la nouvelle économie nous demandent conseil au sujet de leurs droits : c'était inimaginable il y a seulement un an. »

Reste à en faire des adhérents. Pour cela, le secrétaire général peut compter sur une tradition familiale : un arrière-grand-père maire radical-socialiste, un grand-père gaulliste, un père et un oncle militants syndicaux... ont marqué le jeune Ivan, qui, dès le lycée, lutte au sein d'associations proches de la CFDT.

Quand il débute sa carrière professionnelle comme informaticien dans une société de services, au début des années 1990, il n'est pas étonnant de le retrouver au créneau, en temps que trésorier du comité d'entreprise puis délégué du personnel. « J'ai commencé à travailler peu avant la grande crise du secteur informatique. La bagarre se faisait autour de l'emploi et, dans mon entreprise, 25 % du personnel a été licencié », se rappelle-t-il.

Aujourd'hui, la situation est différente et le combat est ailleurs. Si son objectif est de doubler le nombre d'adhérents au cours de son deuxième mandat, entamé en décembre dernier, il est aussi de continuer à se faire respecter au sein de la confédération. « Nous avons piraté la parole de la CFDT », lance avec malice Ivan Béraud, avant de s'expliquer : « Le Bétor-Pub est suffisamment légitime pour pouvoir s'appuyer sur la CFDT et suffisamment illégitime pour pouvoir s'exprimer sans l'engager sur des questions comme l'épargne salariale ou les stock-options, qui ne sont pas audibles pour elle. »

Ce positionnement n'est pas pour lui déplaire, même s'il avoue parfois un peu de lassitude. « Les batailles qui se déroulent dans la nouvelle économie préfigurent celles qui toucheront demain les autres secteurs », prédit le secrétaire général. Elles se feront avec ou sans lui. Mais déjà ce père de famille a trois petits diables qui, un jour, prendront peut-être la relève.

CATHERINE ROLLOT

Licence

Creative Commons License
http://ivanberaud.blogspot.com by Ivan Béraud est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité-Pas d'Utilisation Commerciale-Partage des Conditions Initiales à l'Identique 2.0 France.
Basé(e) sur une oeuvre à ivanberaud.blogspot.com.
Les autorisations au-delà du champ de cette licence peuvent être obtenues à http://ivanberaud.blogspot.com.