Piketty, les femmes, la légion d'honneur et l'honorabilité

«Je viens d'apprendre que j'étais proposé pour la Légion d'honneur. Je refuse cette nomination car je ne pense pas que ce soit le rôle d'un gouvernement de décider qui est honorable.» Voilà comment Le Parisien rapporte le refus par le Mélenchon de l'économie de la Légion d'Honneur.

Si nous étions dans un pays Anglo Saxon après avoir lu ce genre de titre "The Left's 'rock star' economist? Thomas Piketty is a woman beater, says former lover" nous prendrions au premier degré son refus.

Mais nous sommes en France, le pays où quand une starlette plante un couteau dans le bide de son amant, le #FreeNabilla est créé sur twitter, alors on se dit que la raison n'est pas l'humilité mais l'orgueil.

Mais pourquoi refuser aujourd'hui ce qu'il a accepté hier ?

Sa page wikipédia nous dit :

Prix et distinctions
1993 : prix de thèse de l’Association française de science économique (AFSE) ;
2001 : médaille de bronze du CNRS ;
2002 : prix du meilleur jeune économiste (Le Monde - Le Cercle des économistes) ;
2013 : corécipiendaire du prix Yrjö Jahnsson avec Hélène Rey

Mais pourquoi refuser aujourd'hui ce qu'il a accepté hier ? (bis repetita)

Poser la question c'est y répondre. Il a accepté hier des distinctions qui lui ont permis de faire croître sa surface sociale et sa reconnaissance parmi ses pairs. Il n'est qu'à lire la liste des membres du "Cercle des économistes" pour comprendre qu'être honoré par ce cénacle est aussi baroque que d’être décoré de la légion d'honneur.

Cette légion d'honneur lui rapporte peu. Elle le met en infériorité avec le prix Nobel Jean Tirole qui est lui promu officier (puisqu'il était déjà chevalier). Ah le péché d'orgueil est proche. Il doit être là en fait.

"Dans la religion catholique, il désigne un péché capital, celui qui donne le sentiment d'être plus important et plus méritant que les autres, de ne rien devoir à personne, ce qui se traduit par un mépris pour les autres et le reste de la création et un rejet de la révélation et de la miséricorde divines." (Wikipédia toujours)

La légion d'honneur est un espèce de fourre tout de reconnaissance, d'honneur, de prébende. Ce n'est pas une surprise, c'est même pour cela que la légion d'honneur a été créé par Napoléon

Pierre-Louis Roederer, sénateur et conseiller du Premier Consul, souligne que ce nouvel ordre risque d'être considéré comme une nouvelle noblesse. Jean-Jacques Régis de Cambacérès, Second Consul, ajoute que les Assemblées risquent de s'y opposer. Napoléon leur réplique que les Français sont fiers et légers, que malgré la Révolution, la liberté et l'égalité ne leur sont pas essentiels. Il ajoute que dans toute République, des distinctions existent : "On appelle ça des hochets, je sais, on l'a dit déjà. Et bien, j'ai répondu que c'est avec des hochets que l'on mène les hommes".

Alors dans la promotion du 1er janvier 2015, il y a de tout et du n'importe quoi. Mais peu importe, au moins par respect pour ceux qui la mérite, que les autres se taisent. Déjà pendant la grande guerre (celle dont nous fêtons le centenaire), des voix se sont élevées pour noter que les décorés de la légion d'honneur était rarement des hommes du rangs (voir par exemple sur ce forum les discussions documentées à ce sujet).

Si Piketty avait été "honorable", il se serait tu et se serait contenté de ne pas se faire remettre la médaille. Mais socialement c'est plus riche et médiatiquement plus efficace un 1er janvier de "refuser" la légion d'honneur et de se prendre le temps d'un instant pour Sartre ou Curie... Ah péché d'orgueil.