Quoi de commun entre le militant de l
'Action Antifasciste Paris Banlieue, l'ancien responsable du SO de la
LCR et l'ancien dirigeant de
Vive La Révolution ? Rien et tout. Leurs disparitions cet été est la marque l'impression de l'ère de notre temps. Disparition aussi de deux lanceurs d'alerte, l'un embastillé aux Etats Unis, l'autre prisonnier vivant en Russie, sans parler d'Assange reclus dans l'ambassade de l'Equateur à Londres.
Clément est mort sous les coups
de militants d’extrême droite. Sa mort nous rappelle que l'on peut mourir sous les coups des militants d’extrême droite. Il y aura surement beaucoup à dire sur les antifas, mais quand la police (M. Valls ?) ne fait pas son travail, il faut bien qu'il soit fait d'une manière ou d'une autre. L'occupation du territoire que ce soit par les mafia à Marseille ou par les skins à Paris est-elle légitime ? Comment la combattre, si ce n'est en occupant soi même le territoire. C'est le travail des antifas à Paris, ce fut le travail de la mouvance autonome dans les années 70.
La lecture de ce témoignage montre d’ailleurs la filiation extraordinaire entre l’extrême droite des année 70/80 et celle d'aujourd'hui, n'en déplaise au "nouveau" FN.
Depuis les années 1980, il y a prescription (Merci Taubira et honte à Valls), mais nous savons que la réelle dissolution des
FANE (lire
aussi) ne vient pas de sa dissolution juridique mais de la destruction méthodique de leur local par des militants en migration vers le PS fin 1980.
Tenir la rue, alors que le monopole de la violence appartient à l'Etat pose la question de la militarisation de l'action politiquer et de son contrôle. Les camarades antifas de Clément Méric affirment que celui-ci ne sombrait pas dans le militarisme, dont acte. La ligue, elle a eu a souffrir de ce militarisme qui a conduit à sa dissolution en 1973.
Le principal responsable de son service d'ordre ne s'en n'est pas remis. Elle reconstituera plus tard celui-ci et Rocky en sera un des animateurs. Paradoxalement ce fils de militaire flirtera souvent avec le militarisme. Suffisamment dissuasif, pour ne pas avoir à servir, il était redouté et efficace. Je peux en témoigner pour en avoir bénéficié face au militants de l'oeuvre française, mon organisation étant trop déliquescente pour assurer la protection de ses militants.
Fin 1980, dans la déliquescence politique de l'époque un drôle de jeu se jouait entre Autonomes, militants d’extrême gauche, trotskistes et PS. Pour le PS, il s'agissait de recruter à lui, une jeunesse politisée et formée, pour l'extrême gauche le PS était un moindre mal face au PC et à la structuration qu'il maintenait sur la classe ouvrière, enfin les Autonomes servaient à toute les provocation et chacun essayait de les manipuler à son avantage (voir
la fin du texte ici sur l'utilisation des Autonomes pour casser le mouvement étudiant de 1983).
Clément Méric est le produit de cette histoire, d'une rencontre fatale avec une extrême droite que les pouvoirs politiques successifs ont laissé prospérer. Bien sûr il pouvait se taire et laisser le pavé aux adversaires de la démocratie. Mais disons le, si personne ne leur conteste que feront nous quand il l'auront définitivement pris ? Après la vague (lette) d'indignation de juin, le décret de dissolution des JNR de cet été, que reste-t-il de cette indignation : rien ou si peu. Les politiques surfent sur l'amalgame entre les gens du voyage (français mais nomade) et les roms (sédentaire mais roumains) et attise la haine de l'autre comme pendant l'entre deux guerres. A droite c'est pour récupérer l'électorat FN, à gauche c'est pour affaiblir la droite.
Clément mort physiquement en juin et politiquement en août.
La mort politique est une mort sociale, elle est rarement lié à la mort physique, quoique celle de
Pierre Overney annonça celle (politique) des mao-spontex. Celle (physique)
Michel Recanati semble bien la conséquence de sa mort politique. Mais j'en ai déjà parlé plus haut. La mort politique est une mort sociale parce que vos anciens amis ne vous adresse plus la parole, vous ignore "ce Monsieur dont vous me parlez..." ou pire encore cherche à vous isoler plus encore à couper les voies et moyens que vous avez cherchez pour rebondir. Mais la mort politique ça peut se négocier, c'est ce qu'on fait les trotskistes migrants vers le PS. Il ont tiré les leçons de leur incapacité à imposer la révolution permanente en France et sont aller vers les plages dorées du parlementarisme, c'est ce que firent aussi certain membre des reliquats maoïstes allant d'abord à la ligue puis au PS. Tombé dans les poubelles de l'histoire, ils en sont ressorti 30 ans après avec maroquins et circonscriptions. Nombre de militants de VLR et de maos des années 1970, eux on abandonné la politique et se ont migré socialement. Dans leur dernière tentative de peser sur l'histoire, il sont allé "au coté du peuple" à l'image des SR russes allant trimer la terre avec les moujiks. Leur Moujik était la classe ouvrière, leur terres, les usine Citroën de Paris. Linhart a décrit cela, Grumbach l'a vécu sans le décrire. La mort de Pierre Overney c'est le constat de l'échec, c'est le constat que la classe ouvrière ne veut de libérateur extérieur. Comme les serfs russes ne veulent pas de la liberté que
leur offre Tolstoï , la classe ouvrière ne veut ni s'émanciper du PCF, ni du patronat.
Après ses aventures politique, Tienniot Grumbach avait choisi d'être l'avocat des
"luttes sociales", on le retrouvera souvent aux cotés des équipes CFDT. Ce n'est pas un hasard si de cette génération est né le réseau d'avocat AVEC et le cabinet Syndex. Ce n'est pas un hasard non plus si nombre d'entre eux sont issus de l'Université Dauphine. Fondée dans la foulée de 1968, cette université a vu une alliance paradoxale entre les libéraux, des militants d'extrême gauche (mao, révolution !, spontanéistes...). Rénover l'enseignement supérieur en le rapprochant de l'entreprise, stage pour être "au coté du peuple", intervenant extérieur... Ne nous méprenons pas sur ce que j'appelle l'"alliance paradoxale". Les libéraux et l’Extrême gauche y étaient en guerre ouverte sur l'idéologie, le contenu des cours, mais en accord sur la forme (petit groupe, peu ou pas d'amphi, stage, lien avec l'entreprise). Le paradoxe final, c'est que que cette université issu de mai 1968 est devenu un des voies royale de la formation des élite économique au coté de Science Po (d'où est issu Tienniot Grumbach et Clément Méric), d'HEC ou de l'Essec. Autre paradoxe de Tienniot Grumbach avocat c'est l'utilisation de la justice au service des luttes sociale. Jusqu'à la fin des années 1980, la justice était perçu par les militants ouvriers comme un instrument de la domination bourgeoise, par un effet de retournement, la justice fut utilisé soit comme tribune (par exemple pendant la guerre d'Algérie) avec des défenses dite de rupture (ne s'appuyant pas sur le droit, mais sur l'effet porte voix du débat juridique), soit au fond comme le firent les avocats des organisations syndicales. Il s'est agit de faire progresser pas à pas la jurisprudence dans l'idée que la justice devait protégé le faible (le travailleur) face au fort (le patron). Dans cette pratique Tienniot Grumbach a eu certe du mal à rester au service de son client et non au service d'un progrès continu de la justice, quoique l'un et l'autre peuvent parfois se rejoindre. Là aussi, il y a paradoxe, ce ne sont plus (seulement les luttes sociales ) qui font le rapport de force, mais l'arbitrage d'un pouvoir (juridique) dont les codes échappe pour l'essentiel aux dominés. C'est américanisation des rapports sociaux pour le meilleur souvent, pour le pire parfois... Il est loin le temps où les anciens militants de Révolution ! devenue OCT décidaient de ne pas aller en justice contre le PC qui leur avait volé leur titre au motif que la justice bourgeoise ne doit pas est un arbitre du débat politique !
D'autre comme Rocky (Didier François) après leur fin politique ont décidé de devenir journaliste (l'effet éducation des masse de Tolstoï ?). Ce qui me frappe depuis son enlèvement début juin, c'est le silence, l'effarant silence de ceux que j'imaginais être ses amis. Son absence de la scène publique depuis la fondation de Sos Racisme (dont nous savons depuis la publication de la "Main gauche de Dieu" d'Emmanuel Faux, un Dauphinois aussi, combien son rôle fut ambigu dans l'esprit de Mitterrand dans le combat face au FN) marque peut être un rebond plus solitaire de celui de ses anciens compagnons de route. Ce silence illustre la profondeur d'une mort politique. Est-on plus seul qu'au fond d'une geôle, otage de preneur d'otage inconnu ? Rien que la reconnaissance du ventre (combien de ses amis doivent-ils à son intelligence et son rôle de répétiteur ? voir plus me glisse l'ancien petit télégraphiste vers les sous-sols de Claude Monet) devrait les entraîner vers plus de locacité (néologisme Ségolénien). Rocky a sa façon de journaliste avait choisi aussi d'être au coté du peuple. Était-ce pour expurger son refus de la prolétarisation de la LCR qui lui a fait quitter cette organisation à ce moment ? Objectivement, nul besoin de prendre le risque insensé de la mort pour décrire la guerre en Syrie, mais le gout du risque était probablement déjà là dans son militantisme (militarisme ?) de jeunesse. Quoi qu'il en soit, là aussi, nous attendons plus d'un Etat et de ses responsables qui furent, nombreux ses amis (dont je n'étais pas). La volonté d'être au coté du peuple ne rend pas coupable, pas plus que Clément n'était coupable de s'opposer au fascisme.
Voilà donc que s'achève un été paradoxal : plein de soleil après un printemps pourri. Dans le même été, deux hommes courageux, voir téméraires ont connu l'un la mort civil (Bradley Manning passera 35 ans en prison pour nous avoir dévoilé la soupe honteuse du gouvernement américain) l'autre la prison de l'exil pour Snowden qui nous a révélé comment le gouvernement américain nous espionnait. Là aussi, il y a un paradoxe : ce sont les responsables de cette soupe et de cet espionnage qui devrait goûter les barreaux de la prison et de l'exil. Mais non ce sont deux têtes brûlés qui s'y colleront. Au passage, paradoxe suprême : deux énergumènes politique Poutine et le président de l'Equateur tentent de passer pour de doux démocrates alors que ce sont de féroces autocrates.
Mais triste paradoxe, tout ce qu'ils ont révélé, nous le savions déjà, ce que nous ne savions pas c'étaient les méthodes, l'ampleur du déni de démocratie des dirigeants américains. Et nous découvrons également que dans notre chère république, l'espionnage des citoyens est tout aussi élaboré. Là aussi pas de surprise, nos téléphones étaient sur écoute, nos mail le sont désormais tout comme nos fréquentations internetienne (re bonjour Ségolène).
D'ailleurs, puisque nous espionnons tout le monde, comment se fait-il que les preneurs d'otages ne soit pas encore localisé. Je blague, ne demandons pas à la police politique d'être intelligente : elle aurait éventé le 11 septembre, Mohamed Mehra, l'opération Barbarossa et tant d'autres choses.
Après cet été paradoxal, vient un automne qui s'annonce pluvieux (ou indien ?). Il nous faudra continuer, non pas "au coté du peuple", mais en "tant que peuple" à lutter pour la dignité sociale, pour les droits sociaux, contre la monté des populismes, pour les libertés démocratiques collectives comme individuelles. Nous poursuivrons dans ce sens le combat de Clément et de Tiennot, nous ne rendrons pas inutile le sacrifice des lanceurs d'alerte et nous reverrons vivants et libres les otages des Etats et des groupes terroristes.