Les réactions se succèdent suite à la fermeture de MegaUpload. La classe politique française s'est essentiellement positionnée en fonction du commentaire livré cette nuit par Nicolas Sarkozy. De leur côté, les ayants droit comme le SNEP et la SACD peinent à cacher leur joie. La Quadrature du Net constate pour sa part que MegaUpload est la conséquence directe de la guerre menée contre le partage.
Dire que la fermeture de MegaUpload est en train d'agiter l'opinion publique serait un grossier euphémisme. Suite à l'opération conjointe du FBI et du département de la justice des États-Unis, qui a abouti à la saisie des serveurs et à l'arrestation de l'équipe dirigeante de MegaUpload, les commentaires ont fleuri à toute vitesse sur le web. Même les plus hautes autorités de l'État, en l'occurrence Nicolas Sarkozy, ont réagi à la nouvelle.
Bien entendu, la satisfaction affichée du président de la République d'apprendre l'intervention des autorités américaines pour abattre MegaUpload a inévitablement fait réagir la classe politique française. Les ayants droit ont également commenté la nouvelle, sans bouder leur plaisir. Et pour cause, MegaUpload est considéré par ces derniers comme une plaque tournante majeure du piratage de contenus protégés par le droit d'auteur.
Parti socialiste
Le principal parti d'opposition a commenté la nouvelle par la voix d'Aurélie Filipetti, en charge des questions culturelles, audiovisuelles et médiatiques au sein de l'équipe de campagne de François Hollande. Sur France Inter, elle a qualifié l'opération contre MegaUpload de "normale", rappelant que l'objectif du PS de "renforcer la lutte contre ce genre de sites totalement illégaux qui font de l'argent sur le dos des artistes".
Selon les dernières déclarations de François Hollande, le Parti socialiste va défendre l'instauration d'une nouvelle loi qui doit signer l'acte 2 de l'exception culturelle française. "Je rappellerai autant de fois que nécessaire que les créateurs doivent être rémunérés pour leurs œuvres. [...] je veillerai à faire respecter le droit moral, pilier des droits d’auteur" a déclaré le candidat du PS.
Front National
Très actif pour séduire les anti-Hadopi, le Front National a marqué son étonnement suite à "l'enthousiasme manifesté par Nicolas Sarkozy". Pour le parti de Marine Le Pen, "Nicolas Sarkozy fonctionne avec les internautes comme avec les automobilistes en les rackettant pour colmater les brèches laissées par sa gestion dispendieuse des deniers publics".
"Nicolas Sarkozy se fait l’ami des majors et des multinationales qui font des marges hallucinantes sur le dos des artistes et des consommateurs, et n’encourage absolument pas la créativité" poursuit le FN, qui défend "l'instauration d’une licence globale pour les échanges privés sur Internet" et rappelle son hostilité envers l'Hadopi, la Loppsi 2 et l'ACTA au nom de la liberté sur Internet.
Europe Écologie Les Verts
La candidate d'EELV s'est également dressée contre la fermeture de MegaUpload. Pour Eva Joly, c'est "un symptôme supplémentaire de l'incapacité des pouvoirs publics à se projeter au 21ème siècle et à concevoir un projet global éthique associant rémunération des auteurs et fluidité de la culture sur internet". Elle regrette aussi le "zèle dérangeant" avec lequel le président a salué la fermeture de MegaUpload.
"Faute de stratégie publique intelligente, et de réflexion internationale indépendante des lobbies, on continuera à assister à une guerre de l'industrie du copyright face aux créatures qu'elle a engendré" poursuit-elle, rappelant "sa volonté d'abroger les lois Hadopi, Dadvsi et Loppsi", son hostilité envers "des dispositions répressives et de contrôle des internautes" et des projets SOPA, PIPA et ACTA.
Corinne Lepage
Du côté de l'équipe de campagne de Corinne Lepage, c'est avant tout la perte de l'ensemble des contenus légaux qui est déplorée. "Combien de contenus légaux ont été rendus inaccessibles avec cette décision ? [...] Quelle possibilité donnée aux clients de bonne foi de récupérer leurs données ?" Le FBI et le département de la justice permettront-ils aux utilisateurs de récupérer leurs fichiers personnels ?
Cette intervention des autorités américaines interpelle en tout cas, au regard de l'intérêt que porte le public à la culture, d'autant qu'aucune étude indépendante n'a prouvé un manque à gagner causé par le piratage. Et de citer du même coup les "entrées au cinéma battent records sur records". Le mouvement plaide plutôt pour une évolution de l’industrie du divertissement pour qu'elle s’adapte au numérique.
Debout la République
Nicolas Dupont-Aignan, chef de file de Debout la République, a lui aussi critiqué l'attitude de Nicolas Sarkozy qui s'est immiscé dans une décision d'un pays étranger alors qu'un procès n'a encore eu lieu. "Le chef de l'État tombe en réalité le masque des intérêts qu'il défend, ceux des majors, et semble oublier la solution de la licence globale qui permettrait la légalisation du téléchargement tout en protégeant les auteurs."
Dans son commentaire, le député note aussi la perte de données légaux hébergés sur MegaUpload. "Ce sont des milliers de contenus privés et personnels hébergés sur le site megaUpload qui ont été arbitrairement rendus inaccessibles" dit-il, estimant que "l'UMP comme d'ailleurs le PS passent totalement à côté de la révolution numérique et du sens de l'histoire".
Commission européenne
À l'échelle européenne, c'est la prudence qui est de mise. La page Facebook dédiée à la politique numérique de l'Union européenne se contente de poser une question aux membres du réseau social, afin de savoir s'ils considèrent le service légal ou non. La commissaire en charge du dossier, Neelie Kroes, n'a pas encore livré son avis sur la question, se contentant d'évoquer le projet de loi anti-piratage SOPA.
"Mon avis est que la régulation d'Internet doivent être efficace, proportionnée et préserver les avantages de l'Internet ouvert" a-t-elle glissé dans un tweet. Satisfaite de l'évolution du débat aux USA sur la loi SOPA, la vice-présidente de la Commission européenne rappelle que "Les excès de vitesse sont aussi illicites, mais ce n'est pas pour ça qu'on met des ralentisseurs sur l'autoroute". Il faut donc une autre approche.
Syndicat national de l'édition phonographique
Interrogé par l'AFP, le SNEP a bien entendu salué l'opération américaine contre MegaUpload. "C'est une très bonne nouvelle" et un "coup porté contre la piraterie très important". "C'est absolument normal que ces gens là soient responsables de leurs actes, aient à répondre de leurs actes devant la justice américaine", a expliqué le directeur du SNEP, David El Sayegh.
"Il faut savoir que les gens de Megaupload ne sont pas des gentils pirates dont la finalité est d'échanger des fichiers. Ce sont des gens qui font avant tout du business (...) Et sur ces profits, aucun centime n'a été versé ni aux producteurs, ni aux artistes, ni aux auteurs-compositeurs", a-t-il ajouté. "C'est un signal très fort à tous ceux qui pensent se jouer de la justice", car cela prouve qu'"Internet n'est pas un espace de non-droit".
Société des auteurs et compositeurs dramatiques
Même son de cloche chez la SACD. Se félicitant de l'action menée par le FBI et la justice américaine, la société de gestion collective souligne que MegaUpload est "connue pour organiser la mise à disposition illégale d’œuvres protégées par le droit d’auteur et pour réaliser des profits substantiels sur le dos des auteurs et de la création".
Plaidant pour un consensus politique en France autour de la protection du droit d'auteur, du droit moral et du droit patrimonial à l'ère numérique, la SACD explique que "les activités mafieuses autour de la distribution des œuvres culturelles ne peuvent être tolérées. Elles ne sont ni dans l’intérêt du public, amené à payer pour visionner illégalement des œuvres, ni dans celui des créateurs bien entendu".
Hadopi
Victime d'une attaque DDOS dans les minutes qui ont suivi l'annonce de la fermeture de MegaUpload, l'Hadopi a également commenté à l'évènement par la voix de sa présidente, Marie-Françoise Marais. "Ce qui s'est passé aux Etats-Unis est une bonne chose. Megaupload est un site qui offre des services pour lesquels il n'a jamais eu d'autorisation. On peut considérer qu'il s'agit là de contrefaçon".
"L'action, qui a été menée aux États-Unis, est le fait des ayants droit. Ils ont porté plainte et se sont donc servis de l'arsenal mis à leur disposition légalement pour préserver leurs droits et lutter contre la contrefaçon" note l'Hadopi, en rappelant que les ayants droit peuvent tout à fait procéder à la même action en France, grâce au code pénal qui sanctionne la contrefaçon de 3 ans de prison et 300 000 euros d'amende.
La Quadrature du Net
De son côté, la Quadrature du Net considère qu'au regard des "énormes profits engrangés par MegaUpload grâce à une centralisation des œuvres soumises au droit d'auteur", la position de MegaUpload - qui est décrit comme "un sous-produit direct de la guerre menée contre le partage pair à pair hors-marché entre individus" est "difficilement défendable".
Toutefois, l'initiative citoyenne note que l'affaire a été "conduite en dehors du territoire américain et sans même une décision de justice, cette affaire met en évidence la violence de la guerre disproportionnée menée au nom d'un droit d'auteur dépassé". Ce retrait est le signe d'une "tentative globale de contrôler et de censurer Internet", dans une "guerre" déclarée par les lobbies du copyright.
À l'heure où nous écrivons ces lignes, les réactions du MoDem de François Bayrou et du Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon ne sont pas connues.
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