Depuis longtemps opposés aux opposants à l'Hadopi, Les Echos ont désormais peur des ravages de la loi Hadopi... sur les entreprises.
En 2008, lorsque la loi Hadopi n'était encore qu'un projet de loi, les Echos avaient traité avec la plus affligeante des condescendance ceux qui s'opposaient au texte instituant la riposte graduée. "La solution de la riposte graduée retenue par la ministre Christine Albanel semble à ce jour la plus sage", écrivait le journal économique sous un pseudonyme utilisé de coutume pour engager toute la rédaction. "Si elle parvenait à freiner fortement (le piratage), ce serait déjà un beau résultat, qui préserverait au moins provisoirement les droits d'auteur sans lesquels il n'y a plus de création culturelle", ajoutait-il.
Sans écouter les arguments des opposants à l'Hadopi, qui dénonçaient moins l'objectif discutable que la disproportion et l'illégitimité évidentes des moyens proposés, Les Echos avaient fustigé "les chantres de la gratuité qui prétendent le contraire". Ce sont "des utopistes qui rêvent d'un univers culturel extérieur au monde économique réel ou de vrais pirates, c'est-à-dire des voleurs".
Deux ans ont passé, la loi Hadopi a été adoptée, mise en oeuvre... et c'est aujourd'hui que Les Echos commencent à s'inquiéter. Pour les entreprises, uniquement. Car si jusqu'à présent "les commentateurs se sont surtout apitoyés sur les particuliers", c'était "de plus ou moins bonne foi", prévient le quotidien, qui ne veut pas totalement perdre la face.
"Peu d'entre eux ont relevé que des entreprises tout entières pouvaient se voir infliger les mêmes sentences (que les particuliers)", croit remarquer le journal, dans un article très approximatif où l'on assure par exemple que "dans la pratique, au bout de deux avertissements, toute récidive déclenche la saisie des tribunaux correctionnels", ce qui n'est heureusement pas encore vrai.
Dans le fond, le journal s'inquiète qu'un dispositif de collecte d'adresse IP qu'il trouvait acceptable pour les particuliers ("Quand il s'agit d'un particulier, pirate et abonné sont souvent la même personne"), devienne injuste et désastreux pour une entreprise où la connexion à Internet est partagée entre plusieurs salariés, et vitale pour l'activité économique. Les Echos craignent que des entreprises subissent une suspension de leur accès, ou soient condamnés à payer une amende - ce qui dans les faits a très peu de chances de se produire, puisque l'Hadopi et le juge disposent d'un pouvoir d'appréciation qui les incitera dans la plupart des cas à écarter toute sanction pénale contre les personnalités morales.
Finalement, le journal ne s'oppose pas à la loi, mais il encourage au contraire les entreprises à s'y conformer en sécurisant leur accès à Internet. Et visiblement, sans rien comprendre aux difficultés. "Dans la pratique, la Commission de protection des droits adresse préalablement une recommandation invitant l'abonné à mettre en oeuvre un moyen de sécurisation de son accès à Internet (...). S'agissant de la négligence, sa preuve se révèle facile à établir. Toujours selon l'article R 335-5, elle est caractérisée dès lors que « les moyens de sécurisation de l'accès n'ont pas été mis en place » ou que « les dirigeants ont manqué de diligence » dans l'installation de ces moyens."
Mais quels moyens ? La liste des fonctionnalités pertinentes que les moyens de sécurisation doivent revêtir n'est pas encore publique, et les entreprises sont pour l'instant, comme les particuliers, abandonnés à leurs sort. Mais surtout, même à considérer que ces moyens de sécurisation existent, la preuve de la négligence est loin d'être "facile à établir". Elle suppose tout d'abord que l'acte de contrefaçon lui-même soit prouvé, ce qui n'est pas si évident avec un processus de collecte de preuves non certifié. Et elle suppose ensuite que l'absence installation d'un moyen de sécurisation soit prouvée, alors qu'elle ne peut être qu'éventuellement présumée, sans possibilité pratique d'apporter la preuve contraire.
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