mardi 19 janvier 2010
Parti Pirate vu par Sud Ouest
INTERNET. Déjà représenté depuis juin 2009 au Parlement européen par deux Suédois, le Parti pirate cherche désormais à s'implanter en France
Martin a 18 ans. Étudiant en classe prépa à Bordeaux, il est membre de l'April, une association de défense des logiciels libres. Quand il surfe sur le Web, lemonde.fr est sa page de démarrage, mais il consulte très régulièrement le Framablog, sebsauvage.net et de nombreux blogs informatiques indépendants. Sur Linux, il est intarissable : ses parents, son entourage, ses camarades de lycée ont été évangélisés par ses soins à l'informatique libre, sans copyright.
Il ne défend pas la copie illégale de musique mais regrette que les discours sur le sujet s'arrêtent trop souvent à des préjugés. À la télévision, il a tenté de regarder en direct les débats parlementaires sur la loi Hadopi mais a vite déchanté devant les propos ineptes de certains députés.
« Vouloir réglementer le téléchargement quand on ne connaît pas le sujet, c'est difficile », relève-t-il tout en regrettant que la contestation sur ce thème ne se soit jamais réellement propagée hors du Net.
En 2010, Martin votera pour la première fois. Mais pour qui ? Pour le Parti pirate, peut-être. Inconnu il y a deux ans, ce mouvement a fait une entrée fracassante au Parlement européen avec ses deux premiers élus (suédois) en juin 2009. En Allemagne, 2 % des électeurs ont voté pour lui lors des élections fédérales... mais jusqu'à 13 % des jeunes votants participant pour la première fois à un scrutin !
« Génération Hadopi »
Un signal fort pour le Parti pirate français, qui voudrait bien s'imposer rapidement auprès de la « génération Hadopi », élevée au numérique, au partage des fichiers et du savoir, luttant contre les OGM ou pour la protection des libertés individuelles. « On a une image de "geeks" (1), mais les droits de l'homme et les libertés civiques, cela concerne tout le monde », observe Valentin Villenave, le trésorier du Parti pirate français.
Avec son nom claquant au vent comme un étendard honni des politiques, le Parti pirate peut prêter à sourire, mais il éveille pourtant déjà quelques craintes dans les partis traditionnels. « On ne cherche pas à être le parti de la génération Internet, assure Valentin Villenave. Mais on sait aussi pourquoi les jeunes se détournent de la politique aujourd'hui. Et notre côté spontané ne plaît pas à tout le monde. »
Spécialiste des brevets, de la vidéosurveillance, des droits d'auteur ou des libertés, le Parti pirate ne veut pas « fuir les questions complexes ». Son credo ? « Si on est incompétent sur un sujet, on le dit ! » Sans hésiter à ouvrir le débat avec la société civile sur le Web (2). Au Parlement européen, ses deux premiers députés ont rejoint le groupe des Verts, mais ils expriment leurs divergences quand les sujets l'imposent.
Près de 2 000 contacts
En France, le mouvement est encore embryonnaire mais revendique près de 2 000 contacts à travers le territoire. Insuffisant pour mener des actions d'envergure dans la vie « réelle », ce qui ne l'empêche pas d'annoncer une liste pour les prochaines élections régionales de mars 2010 en Ile-de-France. Un premier test à grande échelle pour une formation politique encore très masculine, qui devra s'adapter aux contraintes de la parité. Sans doute, ses valeurs de partage et de lutte contre les inégalités l'aideront à y parvenir.
Restera ensuite à prouver sa pérennité. « La démarche du Parti pirate est intéressante et utile. Mais qu'en sera-t-il à long terme ? » s'interroge Jérémie Zimmerman, porte-parole de La Quadrature du Net (3). Pour ce collectif très actif à Bruxelles, il est « indispensable d'avoir des élus et des sièges pour influencer les assemblées ». Mais à condition d'impliquer et d'éduquer la société civile sur ces sujets qui transcendent les questions politiques.
Depuis Bordeaux, Martin observe l'éclosion du parti avec intérêt : « Au Parlement, le Parti pirate peut apporter un point de vue complémentaire, mais son nom risque aussi de renforcer les gens dans leurs préjugés face au piratage. Voter pour un tel parti, c'est un gros engagement. Mais pourquoi pas ? Tout ce dont je suis certain, c'est que je ne m'abstiendrai pas. »
(1) Désigne une personne passionnée, voire obsédée, par un domaine précis. S'emploie le plus souvent dans le domaine de l'informatique. (2) http://www.partipirate.org
(3) http://www.laquadrature.net
Auteur : Frédéric Sallet
http://www.sudouest.com/accueil/actuali ... 93938.html
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