Interview dans Channel News
S'il est encore trop tôt pour voir les effets de la crise sur l'emploi dans les SSII, elle frappe déjà les sociétés de conseils en technologies, explique Ivan Béraud, secrétaire national du pôle conseil de la F3C CFDT.
Ivan Béraud est secrétaire national F3C CFDT en charge du pôle conseil et publicité qui inclut notamment l'ensemble des entreprises sous convention Syntec. Il règne sur un secteur qui compte 5 000 adhérents représentant un million de salariés.
Channelnews : Avez-vous des indices vous permettant de penser que le taux d'inter-contrats est en hausse dans les SSII ?
Ivan Béraud : Je n'ai pas encore d'informations concernant les SSII mais je constate que la crise frappe déjà les sociétés de conseils en technologies. Dans ce secteur, qui compte 65 000 salariés, nous avons recensé 2 700 personnes en inter-contrat. Les sociétés de conseils en technologies sont notamment impactées par les difficultés du secteur automobile, dans lequel 63% d'entre elles interviennent. Nous estimons ainsi le périmètre de salariés pouvant être potentiellement impactés entre 20 000 et 30 000.
Pensez-vous que les SSII puissent être épargnées par ce phénomène ?
Ivan Béraud : Je ne crois pas. Il faut notamment s'attendre à des effets dans le secteur automobile où les grands donneurs d'ordre sont en train de restructurer leurs achats en profondeur. Renault vient ainsi de remercier brusquement 1 800 prestataires de services sur son site de Guyencourt qui compte 12 000 salariés. Les premières touchées sont les sociétés de conseils en technologies mais il n'y pas de raisons que les SSII ne le soient pas. Ainsi, rien que chez Renault, Atos compte 750 personnes positionnées.
A quoi faut-il s'attendre ?
Ivan Béraud : L'impact sur les SSI risque d'être d'autant plus violent, qu'on pressent une amorce de délocalisation des métiers de la conception et de la R&D jusqu'ici épargnés car complexes à délocalisés. Alors si les constructeurs automobiles s'attaquent à ces métiers, il n'y a pas de raison que dans le secteur informatique, où le mouvement est déjà bien enclenché, cela ne s'accélère pas.
Et dans les autres secteurs ?
Ivan Béraud : L'automobile n'est pas le seul secteur à battre de l'aile. L'immobilier et le secteur bancaire, les assurances sont sinistrés. Certes, il y a encore des budgets en cours mais peut toujours retarder les livraisons, voire stopper les projets. L'informatique n'est pas réellement un outil anticrise. On le voit bien dans les statistiques : au cours des deux dernières crises la baisse des dépenses en logiciels et services a suivi en l'amplifiant la baisse des investissements industriels.
Pourquoi ne voit-on encore aucun signe de ce retournement ?
Ivan Béraud : Il y a déjà des signes : les SSII ont nettement ralenties les embauches, les négociations salariales sont bloquées partout et les budgets ne sont toujours pas bouclés à la mi-janvier. En revanche, il est encore trop tôt pour voir un effet sur l'emploi. Pour les services de régie, nous sommes en plein dans la période des renouvellements de contrats. On commencera à pouvoir se faire une idée plus claire à la fin du mois de janvier. Mais dans la plupart des cas, je pense qu'il faudra attendre la fin du premier semestre.
Pourquoi ?
Ivan Béraud : Il faut se remettre à l'esprit que, malgré l'amoncellement des nuages ces derniers temps, l'année 2008 a été un excellent cru. Le taux d'activité des SSII a été bien supérieur à 80% ce qui correspond clairement à une situation de surchauffe. Du coup, la profitabilité a été exceptionnelle. Les caisses sont pleines et je pense que le secteur a la capacité à absorber une baisse de 10% de son activité sans aucun impact sur l'emploi.
Mais si le retournement est prévisible pourquoi les SSII ne prennent-elles pas les mesures qui s'imposent ?
Ivan Béraud : C'est ce que nous reprochons aux patrons. Ils sous-estiment le risque de retournement. Dans le secteur du conseil en technologies, ils étaient encore à se racheter entre eux au mois de décembre sans voir qu'ils allaient laisser des centaines de personnes sur le carreau le mois suivant. Dans les SSII, ils devraient se mettre en position de repli et rester intransigeant sur leur politique commerciale. Au lieu de cela, ils laissent leurs intervenants chez leurs clients alors que les renouvellements ne sont même pas encore signés, quitte à accepter ensuite des baisses de tarifs irraisonnables.
http://www.channelnews.fr/actu-societes/interviews/114-ssii/2168-l-les-patrons-de-ssii-sous-estiment-le-risque-de-retournement-de-lactivite-r.html?showall=1
En savoir plus :
Les SSII ne sont plus valorisées que quatre fois leur résultat d'exploitation
Les SSII françaises rétives à la concentration
« Les SSII sont encore dans une attitude de déni de la crise »
SSII : leur activité ne serait pas encore affectée par la crise
SSII : troisième mois consécutif de baisse de la demande
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire